« Célestin, ne tombe pas dans l’eau !« , lance Louise Laloux, 32 ans, alors que son fils de quatre ans, penché au dessus du canal de la Deûle, tente d’apercevoir gardons, carpes ou perches. A l’ombre d’un épais feuillage, elle vérifie distraitement deux cannes à pêche posées au sol. « On n’attrapera rien ! », sourit-elle, venant « surtout prendre l’air et divertir les enfants, car le temps passait lentement à la maison… »
Pour elle comme pour beaucoup de Lillois, la réouverture du parc le 11 mai – réclamée par la mairie et accordée par le préfet pour les « stricts usages de promenade et de sport » bien qu’étant en zone rouge – a été une « petite délivrance ».
« Ça fait énormément de bien de retrouver la nature ! », confirme Gérard Couroyer, 73 ans, assis sur un banc avec son épouse après avoir été confiné « en appartement, avec juste une cour partagée ». « Notre médecin nous avait même proposé une ordonnance, pour des promenades à but thérapeutique… », raconte-t-il.
Masque sur le nez et « serein », il regrette toutefois « qu’il y ait beaucoup de monde » et que « les mesures de distanciation ne soient pas toujours respectées, surtout par les jeunes, qui ne portent pas de masque ». « Respectez la distance d’un mètre », « ne vous réunissez pas à plus de 10 personnes« ,
précisent des banderoles installées par la mairie, qui interdit aussi de « s’installer sur les pelouses et les bords de Deûle ».
A vélo, à pied ou en poussette, la majorité des promeneurs se dégourdit « par petits groupes« . Sur les pelouses hautes et touffues par endroits, quelques uns s’octroient le droit de s’étendre dans l’herbe, risquer « un foot » ou « un mölkky » (jeu de quilles).
Besoin « viscéral »
Mais le long de l’avenue qui borde le canal, des badauds « se posent pour boire un verre » et « se retrouver entre amis » – ils sont parfois une quinzaine.
« En théorie, j’ai pas le droit d’être là…« , reconnaît Bessema, 29 ans, assise avec sa meilleure amie. « Mais mes proches, ma liberté et les grands espaces me manquaient » alors « on déroge un peu à la règle, à deux, loin des autres… ».
Face à des débordements « inacceptables » ce week-end autour de deux bars qui « proposaient de l’alcool dans des gobelets, avec cendrier, table et chaises, nous avons pris des mesures« , raconte la maire de Lille Martine Aubry. Lundi, le préfet y a interdit la vente d’alcool à emporter, « lançant également une procédure de fermeture administrative ».
« Globalement, les Lillois sont extrêmement raisonnables et respectueux des mesures !« , estime Martine Aubry. L’élue précise qu’elle fait « le point deux fois par jour avec la police », qui patrouille et disperse les groupes, tolérant généralement « ceux qui s’assoient quelques minutes à deux ou trois« . Elle promet de « tout faire pour que le parc reste ouvert ».
« C’est viscéral le besoin de nature ! A la Citadelle on est en immersion, l’expression de la biodiversité, on la ressent physiquement ! Il n’y aucun lieu comme ça à Lille…le refermer serait une aberration« , estime Audrey Liégeois, chargée de mission nature à la maison régionale de l’environnement et des solidarités (MRES).
« Il faut juste s’imposer des règles !« , juge Nicolas Ksiaszkiewicz, 23 ans, depuis les bords de Deûle. « La fin de l’épidémie, j’y crois moyen, il faut apprendre à vivre avec ».